Date(s) de diffusion(s) :
22 juillet 2022
03 janvier 1998
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Provenance :Fichier transmis par Grégoire Lenfant
Jean Bedel Bokassa
L'image devait frapper les imaginations. Soudain, l'homme à la robe chamarré portant sur ses épaules un manteau de douze mètres en velours rouge entièrement doublé d'hermine et brodé d'aigles, de soleil et d'étoiles d'or. Soudain, cet homme-là se lève, se saisit d'une énorme couronne au milieu de brillants surmontée d'un diamant de 58 carats, et se la pose sur la tête, se sacrant ainsi empereur, exactement comme un certain Napoléon Bonaparte 173 ans plus tôt.

Comment un dictateur africain pouvait-il se livrer à un aussi grotesque simulacre ? Bokassa Ier. Ce sacre, cette cérémonie somptueuse, ce trône démesuré en or et en forme d'aigles, cette débauche de richesses pouvait faire rire. Mais c'était oublier un peu vite que la République française avait largement contribué à l'organisation et au financement du sacre, que notre pays était officiellement représenté par l'un de ses ministres, que le directeur de l'information d'Antenne 2 s'était déplacé pour interviewer en direct Bokassa Ier, preuve évidente de l'importance de l'événement.

Et puis, si l'on s'en tient à l'actualité récente, l'intronisation d'un empereur africain est-elle moins digne d'intérêt que les obsèques mondiales et télévisuelles d'une princesse morte dans un accident de la route ? Le nouvel empereur, coiffé d'un bicorne et revêtu d'un costume à épaulettes brodé d'or est assis sur son trône et toise la foule de ses invités. Le curieux sourire qu'il arbore est étrange et donne à réfléchir. Deux ans plus tard, Bokassa Ier était déposé à l'initiative de la France et par des militaires français. Tous les dessous de cette opération à laquelle les services secrets français avaient donné le nom de code Barracuda. Une opération qui dissimulait et dissimulait encore bien des mystères. Bokassa Ier faisait rire, mais il faisait peut être aussi peur. C'est pourquoi il fallait se débarrasser de lui au plus vite. Rappelons aussi qu'en 1979, deux ans avant l'élection présidentielle, Valéry Giscard d'Estaing était la victime d'une violente campagne de presse. Il était accusé d'avoir reçu des diamants de la part de Bokassa, qui a pesé lourd dans la défaite du candidat Giscard d'Estaing en 1981.

La République centrafricaine a toujours été un enjeu stratégique pour la France. D'abord à cause de sa position géographique, cette ancienne colonie, qui s'appelait autrefois l'Oubangui-Chari, est en effet un trait d'union entre la zone soudanaise et le bassin du Congo, le ventre de l'Afrique. Au nord, il y a le Tchad, perpétuellement instable et surtout perméable à l'influence libyenne et islamique. Et à l'ouest se trouve le riche Gabon, un Etat pétrolier étroitement lié à la France. Ce n'est donc pas par hasard si notre pays a toujours entretenu une importante garnison militaire en Centrafrique. Mais il faut aussi tenir compte des richesses propres de cette République, 12ème producteur mondial de diamants, le Centrafrique possède aussi d'énormes réserves d'uranium, plusieurs milliers de tonnes selon les experts. Enfin, il faut ajouter que la France était bien sûr le partenaire commercial le plus important du Centrafrique. Un partenaire qui était à l'époque particulièrement généreux puisque l'aide française équivalait à plus de 10 % du PNB, le produit national brut centrafricain.